“Et mes fesses, tu les aimes mes fesses ?” demandait, nue et ingénue, Brigitte Barbot à l’époque où elle était belle et où Capri avait encore un parfum de scandale. Mais ce Capri-là, c’est fini ! Fini les photos de jeunes bergers nus et les parties fines dans les grottes. Fini le temps des nobles en goguette et des artistes.
Les riches ont vieilli et les bergers ont disparu (encore des petits métiers qui disparaissent, que fait J.-P. Pernot ?). Le Capri d’aujourd’hui est un repère de vieux beaux, tendance Yatch Club, promenant leur blonde liftée (mais mieux conservée que BB) dans les boutiques Prada, Hermès ou Moschino. L’Acqua Di Parma a remplacé le parfum de scandale.
La ville de Capri est dédiée au chic clinquant. On est au royaume du blazer, du petit foulard et – parce qu’il ne fait pas très chaud – du petit pu-pull sur les épau-paules. Les boutiques et hôtels du centre ville de Capri rivalisent de kitsch pour charmer les riches américains. On se croirait plus dans “Ma vie avec Liberace” que dans “Le mépris”.
En journée, les croisières déposent sur la place centrale de Capri – surnommée Place du Tertre par les esprits malicieux que nous sommes – des wagons de touristes qui viennent autant admirer les vitrines que la vue.
Et pourtant, la vue vaut bien plus que tous les sacs à main exposés en vitrine. Car dès que l’on quitte les ruelles tape-à-l’oeil de la ville, on découvre une nature superbe. Petits sentiers (qui grimpent un peu…), falaises, végétation, vues magnifiques sur la baie de Naples. Et au détour d’un chemin, on peut croiser une villa de milliardaire (par exemple, la villa Malaparte où Godard a filmé les fesses de Bardot) ou une villa d’empereur romain (Tibère en avait fait construire une douzaine sur l’île). Le paysage grandiose se marie très bien avec la mégalomanie.
A quelques minutes de Capri, un tout petit bus nous a amené par une route vertigineuse jusqu’à Anacapri, l’autre ville de l’île. La vraie ville de l’île, celle où les vrais gens vivent. Où l’on a pu découvrir avec soulagement que tous les habitants de l’île n’ont pas de blazers et de chaussures bateau.
Les routes étroites et sinueuses de l’île ont forcé les habitants à faire preuve d’innovation en matière de déplacement. La ville de Capri est ravitaillée par des voiturettes de golf transformées en camionnettes, en pick-up ou même en camions poubelles. On a l’impression qu’ils ont trouvé leurs camions poubelles chez Playmobil !
Pour aller au sommet de l’île à partir d’Anacapri, pas de voiturette mais un télésiège ! 12 minutes à se balancer sur un siège suspendu à un câble au dessus des falaises vertigineuses… + 12 minutes du même traitement au retour. La vue est spectaculaire…. paraît-il. On n’a pas osé !
“Et mon île, tu l’aimes mon île ?” aurait pu nous demander une capriote. “Euh… oui. Mais rhabillez-vous mademoiselle, il ne fait pas très chaud” aurions-nous répondu.
Le paysage de Capri est superbe, la vie y est douce. On comprend bien pourquoi ce bon vieux Tibère s’y est installé pour gouverner l’empire romain à l’abri de l’agitation de Rome. Ça fait 2000 an que ça dure alors, le pouvoir d’attraction de Capri, c’est pas encore fini !