A Vienne, capitale de la musique classique, pour aller à l’opéra, on a le choix : deux opéras, deux ambiances. D’un côté, le Staatsoper, “l’opéra de l’Etat”, de l’autre, le Volksoper “l’opéra du peuple”. L’Etat ou le peuple ? Ne pouvant choisir, nous avons fait les deux !

# Vendredi : Staatsoper

En journée, visite du musée consacré au peintre et architecte bab’ Hunterwasser qui mériterait d’être plus connu. Puis un petit tour au Belvédère, la modeste baraque du français Eugène de Savoie qui a fait dire à Montesquieu que l’Autriche est un étrange pays “où les sujets ont des palais plus beaux que ceux des souverains.” Ça vous donne une idée de la sobriété du décor.

Ensuite, retour à l’hôtel pas tard, car ce soir on fait péter le costard, on cire ses pompes : on sort dans le grand monde. Sous la coupole meringuée du Staatsoper, perlouses et robes de cocktail sont de sortie. Ici, les visons courent en liberté, attirés par les dorures et les colonnades de ce proche cousin de l’opéra Garnier. Évidemment, la moyenne d’âge est rhumatisante mais on croise quand même quelques enfants de bonne famille habillés comme pour un mariage. Et il a aussi quelques touristes en jeans et t-shirt qui attirent les regards désapprobateurs de l’assistance endimanchée. La sonnerie retentit, tous à nos places.

Et là, on comprend le problème. Le Staatsoper date d’un temps où il était plus important d’être bien vu que de bien voir.  Résultat, que l’on soit dans les loges ou au balcon, on n’y voit que dalle ! Tout le monde se penche, se lève, se contorsionne. A part dans la loge impériale, bien sûr : au Staatsoper, l’Etat y voit. Mais l’Etat c’est pas moi, c’était l’Empereur.

Sinon, très beau spectacle, décors fastueux et excellente interprétation de l’opérette “la chauve souris” de Strauss. On sort avec un torticolis mais on a passé un bon moment.

# Samedi : Volksoper
Samedi soir, rebelote. Une autre opérette de Strauss, “une nuit à Venise”, mais cette fois direction le Volksoper, “l’opéra du peuple”.

Pour se préparer, cette fois-ci on ne repasse pas à l’hôtel se mettre sur notre 31, mais on va voir des gazomètres rénovés en logements sociaux (autant dire qu’on a croisé peu de touristes…). Avec cette visite d’urbaniste, on est bien dans l’ambiance “peuple” : en effet, si le Staatsoper est sur les beaux boulevards clinquants du Ring, le Volksoper lui est dans un coin plus sombre des boulevards extérieurs.

Changement de décor et changement de public. On ne peut pas dire que le public soit populaire, ni très jeune, mais c’est plus décontracté et certainement moins tape à l’œil qu’au Staatsoper. Dans cet opéra sponsorisé par Volkswagen, les visons restent dans le coffre de la Polo.

Sur la scène, un peu plus de liberté et une bonne dose d’humour : sirènes et requins se baladent dans les canaux de Venise et en arrière plan un paquebot Costa renverse le campanile de San Marco. Mais ce qui est vraiment bien, c’est qu’on y voit ! Sans se tordre pour apercevoir un chanteur au-dessus de la touffe de cheveux de la voisine. Au Volksoper, le peuple aussi a le droit d’y voir.

Les amateurs de James Bond se souviendront que dans Tuer n’est pas Jouer, Timothy Dalton rencontre une belle violoncelliste dans une salle de spectacle soviétique à Bratislava. Et bien, figurez-vous que la scène n’a pas été tournée à Bratislava mais au Volksoper à Vienne.
Par contre, après avoir bousillé une Aston Martin et emballé la violoncelliste, quand James l’emmène à l’opéra de Vienne, ils se retrouvent bien au Staasoper. Et elle n’a même pas besoin de se contorsionner pour voir la scène, James lui a dégotté des places au premier rang dans la loge impériale. Oh, James !

Allez, on va se reprendre une vodka martini, ça nous fera passer le torticolis.