Hvar est une sorte de Saint-Tropez à la mode vénitienne, où les pauvres peuvent venir admirer les bateaux des riches.

Enfin, « pauvres »… Tout est relatif : pour pouvoir se payer ce petit coin de paradis avec ses palais vénitiens, ses boîtes branchées et 2782 jours de soleil par an (à comparer aux 1726 de Paris), il faut au moins appartenir aux 10% les plus riches de la population mondiale.

Les 10% sont plutôt jeunes, arrivent par ferry avec leur sac à dos et viennent faire la fête. Hvar, ville bourgeoise depuis l’antiquité, n’aime pas trop ces « pauvres » bruyants qui n’ont pas de manières. Elle fait même distribuer des tracts rappelant qu’il est interdit de se balader torse nu en ville et qu’il est interdit de pique-niquer sur la grand place et le port. Si les pauvres veulent profiter du décor, ils n’ont qu’à se saper et aller au resto, non mais !

Les 0,1% les plus riches, eux, n’ont pas ce problème. Depuis la terrasse de leur yacht amarré sur le port, ils voient toute la ville. Et toute la ville les voit. On a vu une ado qui avait l’air de s’emmerder ostensiblement à l’arrière du Lady Sara, un yacht prévu pour un douzaine de personnes (plus autant d’équipage) qui se loue pour la modique somme de 350 000 euros par semaine (voir yachtcharterfleet.com). L’argent ne fait pas le bonheur, les pauvres peuvent être rassurés !

Les 1%, dont nous faisons partie, arrivent en bateau taxi (il n’y pas de liaison directe avec Vis et on ne voulait pas passer la journée à faire l’aller-retour avec le continent). Ce sont de bons clients : ils mangent du calamar grillé, ils boivent des cocktails qui coûtent aussi cher qu’à Paris et se font refourguer à vil prix une voiture de location qui date de l’époque vénitienne (une Alfa avec 250 000 km au compteur !).

Dans une volonté d’élévation sociale, les 1% veulent évidemment imiter les 0,1%. N’ayant pas 350 000 euros à mettre dans la location d’un bateau, ils optent pour une coquille de noix propulsée par un moteur 5 chevaux (ou, plus réalistement, 5 poneys anémiques). À eux les petites îles et les criques désertes de la baie de Hvar ! En évitant les yachts rapides et arrogants dont le sillage secoue sérieusement leur barquasse. Salauds de riches !