L’histoire est ingrate et facétieuse. De la flopée d’impératrices qui se sont succédées sur le trône, l’histoire n’en a retenu que deux : Marie Thérèse de Habsbourg, mère de Marie Antoinette, l’une des rares femmes à avoir vraiment regné et à avoir laissé des statues d’elle un peu partout dans Vienne ; et, évidemment, Élisabeth de Wittelsbach, mieux connue sous le nom de Sissi. Celle-là avait pourtant tout fait se faire oublier en passant le moins de temps possible à Vienne. Raté ! En terme de portraits affichés dans la ville, Sissi écrase désormais son illustre aïeule.

Vienne vit carrément en pleine Sissimania. Sissi par-ci, Sissi par-là, Sissi à toutes les sauces : Musée Sissi, chocolats Sissi, concerts Sissi, mouchoirs en papier Sissi… Mais aussi, si ce n’était pas assez : Sissi the Musical (“mit opulente kostüme”), les recettes de cuisine de Sissi (rappelons qu’elle était anorexique et ne mangeait que du bouillon, bonjour les recettes !), Sissi façon princesse Disney (avec Schönbrunn retapé en château de la belle au bois dormant) et même de l’art tribal Sissi (si, si, j’ai des photos !).

De Schönbrunn (petit Versailles, pas à la hauteur de l’original mais pas dégueu quand même sous un beau soleil d’hiver) où l’on visite les appartements de Sissi, au Musée Sissi (que nous n’avons pas jugé nécessaire de visiter) où l’on peut voir sa robe de bal, témoignage choquant de son anorexie, toute la ville se passionne pour cette impératrice neurasthénique qui haïssait Vienne et n’a eu de cesse de la fuir. Ah, le pouvoir d’Hollywood pour réécrire l’histoire !

Mais Vienne, ce n’est pas que des vieilleries et des princesses culcul, c’est aussi une ville de musées avec un choix extrêmement riche et varié. Pour nous sevrer de l’overdose de meringues baroques, nous sommes allé voir une expo au musée d’art moderne ; sans nous douter que nous allions voir un monument du foutage de gueule artistico-international.

Dans une grande salle, nous rencontrons l’œuvre : quelques vélos garés au centre de la pièce avec des portes posées en travers par dessus. Bon, mettons, on a vu pire. Mais tout est dans le texte ´explicatif´ de ces pistards à portes : “l’oeuvre adresse un champ visuel perméable aux propriétés des relations spécifiquement capitalistes et imbriqué dans une généalogie philosophiquement problématique de la séparation de la forme et de la matière depuis Aristote”. Comprenne qui pourra. Toute l’expo était à l’avenant.

Un peu plus loin, une autre œuvre a été “contextualisée” par l’artiste pour saisir l’âme du lieu où elle est exposée. Et qu’est-ce que cet artiste conceptuel a choisi pour capturer l’esprit de Vienne ? Un portrait de Sissi bien sur ! Elle qui détestait Vienne et que Vienne détestait. Encore un autre qui a plus regardé Romy Schneider que ses livres d’histoire…