On a beau dire, il n’y a rien de tel qu’une bonne dictature – pardon république démocratique héréditaire – pour bien entretenir une ville. Alors évidemment, certains ergoteront sur la liberté de la presse ou les écarts de revenus gigantesques entre les plus riches et les plus pauvres. Mais tout le monde reconnaîtra que les rues de Singapour sont impeccables. Et que l’on roule en Ferrari ou que l’on fasse des kilomètres à pied pour aller travailler, c’est toujours agréable d’avoir des trottoirs nickel, des bougainvilliers fleuris et pas l’ombre d’un SDF pour gâcher le paysage !

Ainsi va Singapour, celle qui était l’une des villes les plus bordéliques de l’Orient est devenue l’une des villes les plus clean du monde. On pourrait manger par terre… si on ne risquait pas une grosse amende. L’arrivée depuis l’aéroport est frappante, on se croirait à l’entrée de Disneyland, avec des parterres de fleurs incroyables.

La famille Lee, premiers ministres de père en fils, a peut-être réalisé le rêve du bon vieux Walt : une ville asceptisée où tout le monde a un logement (80% de logements d’Etat) mais où les plus ‘meritants’ peuvent s’enrichir au delà de toutes limites.

Tout juste sortis de notre A380, décalqués par 12 heures de vol, nous ne sommes pas à proprement parler frappés par le dépaysement : Starbucks et Burger King à l’aéroport, une horticulture façon Marne-la-Vallée sur la route qui mène à la ville, des enseignes Dior, Chanel, Vuitton en-veux-tu-en-voilà sur Orchard Road.

Singapour est bien plus qu’une ville mondialisée, c’est la vitrine de la mondialisation. Ici, tout est beau et artificiel. Cette ville est accueillante et souriante, comme un mannequin d’une boutique Dior.

Jour 1 – Colonial Center

Après le welcome barbecue sur le bord de la piscine – des piscines – de la résidence de nos potes Anna et Manu et après un gros dodo, nous voilà à l’attaque du centre historique de Singapour.

Un détour par le musée national pour avoir un aperçu de l’histoire *officielle* du pays dans une expo chronologique extrêmement bien réalisée. Il faut reconnaitre que la propagande est beaucoup plus subtile qu’à Shanghai. Et les audioguides sont bien mieux faits !

Ensuite, nous nous baladons dans le fameux centre historique – enfin, le fameux centre ‘commercial’ historique. Les singapouriens ont une méthode efficace pour rénover les sites historiques : les transformer en centres commerciaux. Un vieux quartier typique avec des ruelles étroites ? Un centre commercial ! Un vieil hôtel colonial ? Un centre commercial ! Une ancien couvent ? Oui, oui, un centre commercial….

C’est efficace. Mais rassurez-vous, nul besoin d’avoir de vieilles pierres pour construire des centres commerciaux, il y a aussi des dizaines de centres commerciaux modernes. A croire que le principal loisir des locaux est de faire du shopping. Les grues qui s’agitent dans le ciel de Singapour annoncent encore plus d’espaces commerciaux, encore plus grands, encore plus fous.

Jour 2 – Chinatown

Petites difficultés à l’allumage en ce matin du 2ème jour. Effet du décalage horaire ? Décompression de la vie parisienne ? 13 heures de sommeil plus tard, c’est vers midi que nous ouvrons l’oeil. Du coup, nous sautons la case petit déj pour aller directement à la case Dim Sun dans un restaurant de Chinatown.

A Chinatown, il y a plein de chinois et de pagodes. Mais tout semble un peu artificiel. Déjà, un Chinatown propre, c’est louche ! Quand on sait que le quartier a été complétement refait et que le grand temple bouddiste a été construit il y a 6 ans, on en vient à se demander si les chinois ne sont pas payés par le syndicat d’initiative pour amuser les touristes…

Sur les bons conseils d’Anna, nous visitons le musée de l’urbanisme de Singapour. Un musée fort bien réalisé, très pédagogique, où l’on explique au visiteur à quel point la politique de développement du gouvernement est intelligement pensée. Brillante. Visionnaire, mëme ! Montrant à quel point Singapour est plus performant que New York, Paris, Shanghai. S’il fallait démonter l’efficacité des dictatures en terme de planification, c’est chose faite. Mais le musée fait aussi apparaitre en filigrane la parano militaire de ce micro-état : 20% du territoire dédié à l’armée, une caverne souterraine contenant les réserves d’armement du pays, etc.

Pour finir cette journée, nous remontons Orchard Road, la ‘5ème avenue’ de Singapour. A côté, les Champs-Elysées font plouc. Hermes, Fendi, Prada et leurs petits copains rivalisent de clinquant pour attirer le chaland fortuné. Avec la plus forte densité de milliardaires au monde, ils ne manquent pas de clients. Ici, plus qu’ailleurs, si on n’a pas les moyens de se payer une Rolex, on a raté sa vie.

Jour 3 – Little India et Balade dans la verdure

Après le réveil tardif d’hier, un iPhone a cette fois-ci été programmé pour nous arracher matutinalement des bras de Morphée. Résultat, nous sommes sur le pont dès l’aube (10h…) pour arpenter les rues de Little India.

Little India, c’est la rue Cail (à côté de chez nous à Paris), mais en plus grand et en plus propre. (On a vu un papier sale par terre ! Mais que fait la police ?) C’est mignon tout plein, avec des façades colorées et des saris en vitrine.

Pour quitter un peu la ville et nous préparer à la jungle primaire qui nous attend en Malaisie, nous avons décidé d’arpenter le Southern Ridges, un sentier pédestre qui relie plusieurs espaces verts entre eux. Disons que l’on est loin de la nature sauvage. Ici, on commence la balade par un téléphérique avec une vue sur le port immense de Singapour (2ème port au monde après Shanghai…) et la balade se poursuit de sentiers goudronnés en passerelles métalliques au-dessus des arbres (et des autoroutes). Tout est joliment aménagé et malgré la végétation luxuriante (on est sur l’équateur, tout pousse) rien ne fait vraiment naturel. La “forêt” est coincée entre une colline artificielle (sans doute à usage militaire) et des gratte-ciels qui dépassent des arbres. Entre les chants des oiseaux, on peut parfois entendre le doux gazouilli du marteau piqueur, rappelant qu’ici les bâtiments poussent plus vite que les bambous.

Pour la vraie aventure, il faudra attendre la Malaisie. Ça tombe bien, on y va demain.