Petit break loin de la frénésie de la métropole. Train à grande vitesse puis deux bus avec un changement en pleine campagne et nous voilà transportés 200 kilomètres plus loin et 200 ans en arrière dans un ‘ryokan’, une petite auberge en bois accrochée à la montagne, le long d’un torrent.
Nous voici dans un monde de traditions, rempli de rituels surprenants pour nos yeux occidentaux. Ici évidemment personne ne parle anglais, c’est donc avec nos rudiments de japonais (autant dire pas lourd), leurs trois mots d’anglais (guère mieux) et force sourires que la communication s’installe.
Déjà, il faut comprendre la valse des chaussures : dès l’entrée, on pose ses chaussures qui sont cérémonieusement rangées dans un placard. On se voit remettre des chaussons pour se déplacer dans l’hôtel. Mais quand nous arrivons à la chambre, notre hôtesse empêche in extremis Nicolas de rentrer avec ses chaussons. Pas de chaussons sur les tatamis ! On se déplace pieds nus dans la chambre. Une autre paire de chaussons nous attend dans les toilettes. Ceux-ci, impurs, ne devront jamais quitter les toilettes ; malheur si par megarde on les garde dans la chambre, on contaminerait les tatamis.
La chambre est une certaine idée du luxe : spacieuse, avec une vue sur le torrent, mais… Presque pas de meuble et pas de lit ! Au milieu de la chambre, là où on s’attendrait à trouver un matelat et une couette, trône une table basse. Car c’est dans la chambre que le repas est servi à 6 heures.
On comprend vite qu’iI faut désapprendre les bonnes manières que nos parents ont eu tant de difficulté à nous inculquer : ne pas marcher en chaussettes, ne pas laisser ses affaires par terre, ne pas manger dans la chambre.
A l’heure dite, notre hôtesse arrive avec le repas. Sur un plateau, une bonne dizaine de petits plats : soupes, champignons, légumes marinés, bœuf qui cuit sur un petit feu dans une cocotte, poisson cuit et cru, tofu et quelques aliments non identifiés. Je ne dirais pas que tout est bon mais tout est… intéressant. Le saké aide à faire passer les goûts les plus intéressants. Le plus difficile est le petit déjeuner le lendemain matin. On n’a pas l’habitude de tremper son tofu et ses algues dans le thé vert…
Autre spécialité du ryokan, les onsens, les sources d’eau chaude. L’usage veut que l’on aille se baigner après manger dans les somptueux bains à 40°. Là encore, il y a tout un rituel complexe que l’on avait potassé pour éviter de faire des impairs et respecter la tranquillité et la pureté des lieux. Une fois nos fesses plongées dans un bain à 40°, deux touristes japonais sont arrivés et on fait tout ce qu’il ne faut pas faire : se baigner sans s’être lavé au préalable, plonger sa serviette dans l’eau, faire du bruit et, sacrilège absolu, prendre des photos alors que tout le monde se balade à poil. Du coup, nous nous sommes trouvés moins cons et nous nous sommes détendus complétement.
A notre retour dans notre chambre, la table est poussée dans un coin de la pièce et les lits sont montés. Le sol de la chambre en tatami sert de sommier, une sorte de matelat de futon est posé par terre avec une couette par dessus. Un oreiller en noyaux de cerise complète l’ensemble qui est censé être le nec plus ultra du luxe traditionnel. Autant vous dire qu’entre le repas assis par terre en tailleur et la nuit sur le sol, nous avons quitté le ryokan certes détendus mais cassés de partout. Je propose d’ailleurs de renommer le Japon le ‘pays du soleil levant avec des courbatures’.
Le retour à la civilisation (c’est-à-dire à Tokyo) est brutal. Après un musée, direction Electric Town, qui est à la high tech ce que le marché au poisson est à la mer. Néons, musique à fond et French Maids (soubrettes !) qui font la retape pour des bars à soubrettes – oui, vous avez bien lu ! Avec le déclin de l’électronique japonaise (Apple et Samsung se taillent la part du lion dans les boutiques), Electric Town s’est diversifié dans les mangas et notamment les mangas érotiques. La clientèle essentiellement masculine des boutiques d’électronique peut maintenant aller bouquiner un manga affriolant dans des bars où le café est servi par des soubrettes non moins affriolantes. On est loin de la retenue et du raffinement du Japon traditionnel.