L’île du Levant est une île rebelle et sulfureuse. Sa réputation sulfureuse est largement fantasmée. A moins, peut-être, d’aller aux soirées du « Rocher du secret », l’hôtel échangiste de l’île. Avouons-le, nous ne nous sommes pas rendus au pourtant très aguichant « bal des pompiers » organisé dans cet établissement hautement spécialisé :

La réputation rebelle, elle, n’est pas usurpée. Les relations entre les Levantins et la Police sont marquées par une suspicion réciproque. Sans doute un effet de la jurisprudence « Cruchot ».
Lundi, la tension était palpable quand la maréchaussée a déboulé à 11 heures du soir, alors que les clients du bar « la Bohème » hurlaient « Oops I did it again » de Britney. Arborant un ensemble discutable composé d’un gilet pare-balles et d’un bermuda, les poulets ont pris la patronne à part sous le regard inquiet de l’assistance. Tout le monde savait que la Bohème, bien qu’en plein air, était borderline côté distanciation sociale.

Le président venait de parler au poste. La vis sanitaire venait de se resserrer sur le pays. Et pendant que Patrick Juvet se demandait où étaient les femmes, la patronne parlementait avec la flicaille municipale. Mauvaise limonade.
Revenue au comptoir, elle est a fait un bref débrief aux piliers du bar. Malgré Soprano et Claude François qui couvraient avec éclectisme les conversations, la nouvelle a été relayée et amplifiée. Il était question de variant delta, de port du masque et d’un arrêté préfectoral spécifique pour l’île du Levant. Les spéculations allaient bon train. Qu’est-ce qu’ils s’imaginaient sur le continent ? Rien ni personne, et certainement pas le Préfet, ne viendrait museler la liberté levantine.
Le lendemain matin, à la terrasse de la « Pomme », l’autre bar de la place, on ne parlait que de ça. On a grappillé les informations. Il y avait bien eu un cluster la semaine précédente. Trois employés de l’Heliotel étaient en quarantaine. Et ce serait du delta ! L’ARS avait même envoyé des troupes qui ont pris possession de la mairie annexe.

L’adorable patronne de la « Pomme », dont la vivacité à preparer les additions permet de présumer qu’elle a été vaccinée en janvier, incitait tous ses clients à mettre le masque dès l’arrivée des képis. Elle surveillait attentivement les cowboys de la municipale car l’amende est de 1500 euros si ses clients ne sont pas dûment masqués.
Un peu plus tard, à la caisse de la superette, on a appris que l’escouade de l’ARS était là pour tester un max de résidents, saisonniers et touristes. Tous étaient invités à se présenter en masse pour abreuver le préfet des statistiques. L’épicier nous rappelait que le préfet, tel un proconsul romain, avait droit de vie ou de mort sur la saison touristique.
Nous sommes donc allés nous faire récurer solidairement le fond du nez pour garnir les stats et limiter les foudres préfectorales. C’est ainsi que l’on a découvert que les saisonniers et les locaux, insouciants et sans doute un peu réfractaires aux injonctions des autorités, étaient très peu vaccinés. A la différence des touristes nettement plus avancés dans leur « parcours vaccinal ». Mais tout devrait changer car la rumeur sur la place raconte que l’ARS pourrait revenir en fin de semaine avec des picouzes pour tout le monde. Tournée générale de Pfizer au bar de la Bohème !
En attendant, entre résignation citoyenne et solidarité avec les bars et restos, les levantins se baladent à poil… avec un masque. Le sommet du ridicule a sans doute été atteint.

PS : On a reçu les résultats du PCR : on est bien négatifs