Ne zappez pas ! Dans cette chronique, il y aura du scandale, des pinups, des paysages à couper le souffle, des batailles homériques contre des promoteurs sans scrupule et de l’art contemporain ! Le lien entre de tous ces sujets alléchants ? César Manrique, l’artiste phase de Lanzarote.

Avant de finir comme De Gaulle et Cristiano Ronaldo, en institution galvaudée et en nom d’aéroport, Manrique était un artiste subversif et un ardent défenseur de son île contre le tourisme de masse qui a ravagé les îles voisines.

C’est depuis le « Lounge Manrique » du bateau qui nous emmène loin de Lanzarote que je vous écris sur ce fils du pays. La compagnie maritime s’est cru obligée de reproduire quelques œuvres de l’artiste mais elle aurait pu s’abstenir. Dans les années 50-60, Manrique barbouillait des trucs à la mode. Du pseudo-Miro, du pseudo-Dali… Ce n’est pas pour ses toiles qu’il est passé à la postérité.

Il a connu une petite gloire à Nueva York où il a fait la fête avec Warhol et vendu assez de croûtes pour revenir au pays auréolé de gloire et de dollares. Les superbes (et nombreuses) demoiselles qui venaient visiter sa maison ne manquaient pas de défrayer la chronique. Ce « milliardaire entouré de filles nues », comme le surnommaient les journaux de l’époque, a importé un mode de vie hédoniste qui faisait jaser à l’époque de Franco. Ci-dessous un article paru dans Lui…

Mais peut-être que ces demoiselles étaient architectes et qu’elles venaient juste étudier (en bikini) les constructions du maitre. Qui sait ? Urbaniste de formation (nul n’est parfait…), Manrique a touché à tous les arts. Et si sa peinture est discutable, son talent d’architecte est indéniable.

Sa maison creusée dans des bulles de lave est superbe. Voici quelques photos de son salon, à 50 ans d’intervalle (avec et sans pinup) :

Et la photo de sa piscine (avec pinup) :

Manrique a utilisé sa notoriété et son image sulfureuse pour participer activement au développement touristique et à la protection de Lanzarote. Il a construit sur l’île de nombreux bâtiments pour mettre en valeur ses richesses naturelles.

On a visité le Mirador del Rio. Un point de vue à l’extrême nord de l’île aménagé par le maestro. Il a choisi un lieu avec une vue à couper le souffle et a bâti un écrin pour l’observer en sirotant un café.

On est aussi allé voir le Jameos del Agua, un incroyable resto-bar-salle de spectacle installé, toujours par Manrique, dans le lit d’une rivière de lave souterraine. Un lieu assez magique mêlant géologie, gastronomie, culture et fiesta. Et avec un bassin contenant une colonie de crabes aveugles unique au monde.

On a fini notre journée sur la plage de Famara, le village où Manrique est né.

Ici, son intervention est plus subtile mais pourtant essentielle. Regardez bien les photos de cette plage idyllique… Il n’y a pas d’immeuble derrière ! Manrique a ferraillé contre les promoteurs et les spéculateurs qui voulaient construire des « monstres de béton » balnéaires. Il a réussi à faire passer des règles d’urbanisme sur l’ensemble de l’île qui interdisent de construire plus de deux étages et obligent à conserver le style traditionnel.

La principale œuvre de cet artiste fantasque réside donc dans ce qui n’a pas été construit. Car si contrairement à ses voisines défigurées par le béton, Lanzarote reste une île sauvage, authentique, à échelle humaine, c’est grâce au lobbying intense de Manrique. Ça valait bien un nom d’aéroport !



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