Brume de voyage
Kanji kawaï schizophrène
Tokyo jetlag

Je répond immédiatement à la question que tout le monde se pose – enfin surtout ma chère mère qui prépare sa valise pour nous rejoindre la semaine prochaine : quel temps fait-il ? Ben pas top. Il fait assez chaud (20 à 28°C) mais il y a de la pluie intermitente et un ciel grisou. Le Mont Fuji est autant dans la brume que nos cerveaux soumis aux troubles du sommeil post-décalage horaire.

Quand on arrive à Tokyo, on a toujours une impression de décalage. Et je ne parle pas seulement des 7 heures de décalage horaire que l’on a du mal à récupérer (surtout que le week-end à Marrakech n’a pas été de tout repos). Arriver à Tokyo, c’est pénétrer dans une autre dimension où les choses donneraient l’impression d’être un peu comme chez nous mais où les gens seraient en fait très différents.

A l’aéroport, tout le monde attend ses bagages sagement derrière la ligne jaune, laissant de la place pour ceux qui doivent retirer leur bagage du tapis. Au passage piéton, tout le monde s’arrête quand le bonhomme est rouge, même quand il n’y a pas de voiture sur la route. Cela met à rude épreuve nos réflexes de parisiens dressés à exploiter chaque interstice du trafic. Sur le quai du métro, les voyageurs font la queue de part et d’autre de la porte pour laisser sortir les passagers et entrer dans le métro selon l’ordre d’arrivée sur le quai. Quinconque a déjà vécu la cohue du RER A mesurera la distance qui sépare les civilisations occidentale et japonaise.

Notre première journée fut calme. Un peu de shopping tout cool pour reprendre contact avec la ville. A l’heure où l’usage de la langue de Zadig et Voltaire est en déclin, vous serez heureux d’apprendre qu’il y a un pays où le français dispose encore d’une aura phénoménale – au moins dès qu’il s’agit de trouver des enseignes commerciales pour la mode ou la bouffe. Ici, on croise  des noms de marques qui ne sont pas dénués d’une certaine poésie : “Café de Crié” pour un café, “Toit Rose” pour un fleuriste ou “Passage Mignon” pour une maroquinerie. Certaines enseignes font par contre montre d’une maitrise limitée de la grammaire, voire du vocabulaire, de la langue de Molière et de Frédéric Lefèvre. Ainsi “La Maison ensoleillé table” ou “Tigre bon bon” vous invitent à un bon repas. “Folli Follie”, “Deuxcotes” (sans espace ni accent) et “Deuxième Classe”  proposent des vêtements dont les prix de folie sont plutôt de première classe mais dont les coupes cintrées invitent effectivement à se faire retirer deux côtes. “Le Peu” est un bar qui doit servir des petits verres. Quand à “Heroomtage Deux”, les experts s’interrogent encore sur son étymologie.

On a même croisé dans le métro un sac à main arborant des noms de villes françaises. Où l’on apprend qu’à des milliers de kilomètres de la France, le nom de “Rambouillet” peut être glamour !